La loi de 1998 sur les droits fonciers coutumiers dans l'histoire des politiques foncières en Côte d'Ivoire. Une économie politique des transferts de droits entre " autochtones " et " étrangers " en zone forestière - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Chapitre D'ouvrage Année : 2008

The 1998 land law in the history of customary land rights policies in Côte d'Ivoire. A political economy of land transfers between "autochthons" and "strangers" in the Ivorian forest belt

La loi de 1998 sur les droits fonciers coutumiers dans l'histoire des politiques foncières en Côte d'Ivoire. Une économie politique des transferts de droits entre " autochtones " et " étrangers " en zone forestière

Résumé

Dans un contexte général de tensions entre autochtones et migrants dans la zone forestière, la nouvelle loi sur le domaine foncier rural de 1998 en Côte d'Ivoire, non encore appliquée, se propose de valider par des certificats fonciers puis par des titres de propriété les droits coutumiers ou acquis selon des procédures coutumières. Elle innove donc considérablement par rapport à la législation foncière ivoirienne héritée de l'époque coloniale. Cette contribution replace la nouvelle loi et son caractère juridiquement innovant dans l'histoire de la législation concernant la question des droits coutumiers en Côte d'Ivoire à partir d'une approche en termes d'économie politique. L'argument est que, dans l'histoire de la Côte d'Ivoire, l'enjeu principal des politiques foncières n'est pas tant la sécurisation des droits coutumiers en tant que telle, que le contrôle par les élites politiques, coloniales puis nationales, des transferts au sein même du domaine coutumier. Tout au long de l'histoire agraire et de la production juridique ivoirienne, les élites au pouvoir ont chercher à peser sur la redistribution des droits coutumiers d'appropriation en faveur de certains groupes de ruraux, et en défaveur de certains autres. Du fait des intenses mouvements migratoires qui ont marqué les campagnes ivoiriennes, la principale ligne de partage était entre ceux qui pouvaient se prévaloir de droits coutumiers issus de l'autochtonie, et ceux qui, considérés comme " étrangers " sur les lieux de leur activité agricole, devaient se contenter de droits issus de transferts auprès des autochtones. Nous proposons comme clé de lecture de l'histoire de la production juridique et des politiques vis-à-vis des droits fonciers coutumiers en Côte d'Ivoire la question du choix, par les élites politiques, de soutenir le parti des " étrangers " ou celui des " autochtones " - de faciliter l'accès à la terre de migrants nouveaux venus, ou, au contraire, de protéger les prérogatives foncières des " propriétaires terriens " les plus anciens. Les principales conclusions sont les suivantes : 1) La nouvelle loi de 1998 confirme cette lecture. 2) Toutefois, la nouvelle législation va à l'encontre de la tendance historique générale qui a été de favoriser les étrangers. 3) Cependant, la loi de 1998 n'innove pas en la matière. Elle reprend l'esprit des décrets coloniaux de 1955 et de 1956, promulgués comme la loi actuelle dans un contexte de profondes recompositions économique, sociale et politique, et qui ont été " enterrés " à l'indépendance. 4) La sécurisation foncière des droits dépend moins de la dimension technique du dispositif juridique que de la dimension politique inhérente à l'intervention publique. Pour cette raison, ce n'est pas l'action par la voie légale qui est la plus efficace pour traduire la politique de redistribution des droits poursuivie par les élites politiques, mais l'intervention par les voies informelles de la " pratique administrative 'coutumière' ". 5) La mise en perspective historique de la loi de 1998 et les rebondissements dans le processus de son élaboration montrent que le contenu et les référentiels de la loi cristallisent toute une trajectoire politique concernant l'ancrage local de l'État ivoirien et son contrôle sur les transferts coutumiers de droits (en particulier dans le cadre de la relation de " tutorat " dans les régions de la frontière agricole de l'Ouest). 6) La question la plus urgente à se poser est : Que faire de la loi de 1998 ?
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02822365 , version 1 (06-06-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02822365 , version 1
  • PRODINRA : 21669

Citer

Jean-Pierre Chauveau. La loi de 1998 sur les droits fonciers coutumiers dans l'histoire des politiques foncières en Côte d'Ivoire. Une économie politique des transferts de droits entre " autochtones " et " étrangers " en zone forestière. Law, land use and the environment : Afro-Indian dialogues. Enjeux fonciers et environnementaux : dialogues afro-indiens, 13, Institut Français de Pondichéry, 2008, Publications du Département de Sciences Sociales. ⟨hal-02822365⟩
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