L'article examine en prospective, et au regard des prévisions de la théorie des droits de propriété, la situation que la nouvelle législation foncière ivoirienne (non encore mise en oeuvre) est susceptible de créer. La prise en compte du contexte socio-politique suggère que l'offre institutionnelle que constitue la nouvelle législation offrira localement une marge de manoeuvre nouvelle aux dynamiques préexistantes de différenciation sociale et politique, et qu'elle suscitera, inégalement selon les régions, une redistribution des droits dont les effets iront bien au-delà de la sécurisation recherchée par le titre. Eu égard au contexte socio-politique, la mise en oeuvre de la loi risque de provoquer une redistribution des droits préjudiciable à la capacité productive des exploitations familiales, dont la majeure partie est issue de l'établissement de migrants qui se verront contester les droits qu'ils ont acquis antérieurement dans un cadre coutumier. L'article souligne l'importance de la prise en compte des dynamiques historiques, sociales et politiques de différenciation des acteurs individuels et collectifs, qui influencent les droits de propriété et leur évolution mais aussi l'élaboration des politiques publiques elles-mêmes. Les négociations et les conflits sur la répartition sociale des droits constituent non seulement des conditions supplémentaires et importantes de la réalisation des prédictions de la théorie, mais ils peuvent avoir plus d'importance, en termes d'effets sur la production et sur sa durabilité, que le processus de privatisation en tant que tel.