La nature domestique, celle de l’agri–culture et ses plantes nourricières, incarne l’abondance. L’idée d’interroger la prodigalité végétale au pôle nord pourrait sembler incongrue. En réalité, la position polaire offre un point de vue philosophique unique pour replacer la domesticité végétale dans la globalité de son histoire au cours de l’Holocène. Elle permet d’explorer des opérateurs sensibles et de proposer une pragmatique de l’action esthético-éthique. Tout d’abord, nous caractérisons la figure végétale de l’abondance dans son originalité vitale et énergétique, indissociable d’un contrat avec les rythmes périodiques comme condition de domesticité. Puis, nous examinons le caractère axiologique de la position polaire comme opérateur de sens et de valeur. Cet opérateur est mis en tension par les changements climatiques et biopolitiques, et par les répercutions prévisibles sur la vie végétale et les trajectoires agri-culturelles. Enfin, nous pointons l’importance d’un ré-engagement sensible et du rôle que doit jouer l’interface art-écologie dans l’espace biopolitico-technoscientifique. Deux figures contrastées du point de vue polaire sont illustrées par des œuvres d’artistes (Art Orienté Objet ; Magali Daniaux & Cédric Pigot). L’une est la fonte de la banquise emblématisée par la disparition de l’ours comme figure archétype du pôle. L’autre est la banque mondiale de graines du Svalbard qui incarne de façon énigmatique et inquiétante une possible fin des temps agri–culturels.