Pélardon AOP des Cévennes, du lait cru au fromage affiné : dynamiques microbiennes et évolution des arômes
Résumé
Le Pélardon est un petit fromage traditionnel au lait cru de chèvre, se consommant frais (14 jours) ou affiné (jusqu’à 3 mois d’affinage), et labellisé AOP depuis 2000. Il est uniquement produit par des producteurs-éleveurs, dans la région montagneuse des Cévennes (sud de la France). Le Pélardon est préparé avec du lait cru de chèvre, qui est ensemencé uniquement par backslopping à partir du lactosérum d’une précédente fabrication et sans recours à des ferments commerciaux. Les flores naturellement présentes dans l’environnement et les matières premières sont donc susceptibles de jouer un rôle prépondérant dans sa fabrication. Ce travail avait pour objectif d’étudier les communautés microbiennes du Pélardon au
cours de sa fabrication et de l’affinage et d’en identifier les espèces susceptibles de contribuer à ses caractéristiques finales. Pour cela, des échantillons ont été prélevés à sept stades de fabrication allant du lait cru jusqu’à trois mois d’affinage. Les communautés microbiennes de
ces échantillons ont été analysées par méthodes i) culture-dépendante (suivi des populations sur des milieux de culture spécifiques) et identification à l’espèce de 2877 isolats par analyse MALDI-TOF) et ii) culture-indépendante : analyse metagénétique en ciblant les régions ITS2
(levures / champignons) et V3-V4 de l’ADNr 16S (bactéries). Ces dynamiques ont ensuite été corrélées à l’évolution des composés d’arômes (acides et composés volatils) aux mêmes stades de fabrication. En parallèle, l’environnement de production des fromages a été analysé, pour déterminer dans quelle mesure il pouvait être source de micro-organismes. Les résultats ont montré que le Pélardon se caractérisait par une forte diversité bactérienne marquée par une succession d’espèces différentes à chaque stade. En comparaison, la diversité fongique associée au Pélardon s’est avérée faible avec Geotrichum candidum comme espèce dominante. L’analyse de corrélation menée à partir des données biochimiques et microbiennes ont fait ressortir certains microorganismes : quatre espèces bactériennes (Lactococcus lactis, Leuconostoc mesenteroides, Lacticaseibacillus paracasei et Enterococcus faecalis) et trois espèces fongiques (G. candidum, Penicillium commune et Scopulariopsis brevicaulis) au cours de la fabrication et de l’affinage. L. lactis a été identifiée comme responsable de l’acidification en raison de sa forte corrélation à l’acide lactique mais également à l’acétoïne. G. candidum et L. mesenteroides, principalement dominants durant l’étape de séchage, étaient corrélés à des
composés volatils issus du catabolisme des acides aminés. Les plus fortes corrélations avec les cétones et les esters, correspondant aux composés les plus abondants aux stades avancés d’affinage ont été observés pour S. brevicaulis et L. paracasei et dans une moindre mesure P.
commune et E. faecalis. L’analyse des vecteurs microbiens de l’environnement de production a souligné le rôle du lactosérum comme source des bactéries d’acidification mais aussi de micro-organismes d’affinage précoce. Les espèces contribuant à l’affinage tardif étaient à l’inverse, absentes des matières premières et retrouvées sur certaines surfaces indiquant une origine environnementale. Cette étude a permis de mettre en évidence la diversité microbienne du Pélardon et d’identifier les micro-organismes clés de la fabrication du Pélardon. Les résultats soulignent également le rôle des matières premières mais également l’importance de l’environnement de 10 production comme vecteur de micro-organismes contribuant à la typicité des fromages artisanaux.