Le dépérissement à Botryosphaeriacées est une maladie du bois de la vigne causée par des champignons vasculaires. Ce dépérissement entraîne des pertes économiques importantes, d’autant qu’aucun traitement efficace n'est encore disponible. A l’heure actuelle, l'expression des symptômes foliaires n'est pas encore entièrement comprise mais il n’est pas rare de trouver des Botryosphaeriacées dans les premiers entre-nœuds des rameaux. Cependant, le lien entre leur présence et les symptômes foliaires (défoliation apicale) n'est toujours pas établi. Dans ce travail, l'objectif a été d'évaluer les conséquences physiologiques et développementales de la présence de Botryosphaeriacées dans les entre-nœuds de la base de rameaux de vignes symptomatiques (forme défoliatrice) ou non. En 2018, sur une parcelle plantée en Cabernet Franc localisée à Rodilhan (Gard), une expérimentation a été menée pour 3 stades phénologiques différents (floraison, petit pois et véraison). Pour chaque stade, les 3 entre-nœuds de la base des rameaux ont été prélevés sur des vignes visuellement saines (témoin asymptomatique), et d’autres pré-symptomatiques ou symptomatiques (i.e. dépérissantes). Les échantillons collectés ont été utilisés pour (i) la détection des agents pathogènes (Botryosphaeriacées) par analyses pasteuriennes et PCR, (ii) l'estimation de l'obstruction des vaisseaux du xylème par analyse d'images à partir d'observations macroscopiques, (iii) la caractérisation anatomique et structurale par analyse cytologique, (iv) l’analyse, par q-RT-PCR, de l'expression de transcrits liés à la réponse de défense des plantes et à la mise en place / activité des méristèmes secondaires et (v) la quantification de métabolites par GC-MS. La présence de Botryosphaeriacées a été observée tant dans les ceps asymptomatiques que symptomatiques. En ce sens, ce critère ne peut expliquer à lui seul l’apparition des symptômes. De manière intéressante, nous avons pu rapporter des modulations structurales et moléculaires dès la phase pré-symptomatique. En effet, à ce stade si le bois secondaire présente des évènements ponctuels de thyllose, le liber secondaire présente quant à lui des altérations profondes (liber mou désorganisé et plages criblées obstruées par de la callose). De plus, les rayons libériens et ligneux montrent une diminution de la présence d’amyloplastes, témoignant d’une moins bonne mise en réserve dans les rameaux de ceps dépérissants. A l’échelle moléculaire et pour ce même temps (pré-symptomatique), nous observons une augmentation de l’expression de transcrits associés aux défenses (GLU, TL, PR6, POX4) et au métabolisme des sucres (a-AMY, CWIN), tant dans le bois que dans le liber. De façon cohérente avec les observations structurales, une augmentation de l’expression de transcrits associés à la synthèse de callose phloémienne (CalS7) est observée dans le liber. Enfin, une discrimination métabolique peut également être notée, avec notamment une accumulation préférentielle d’asparagine (bois et liber) et de glutamine (liber) dans les rameaux asymptomatiques, et une accumulation préférentielle de glycosylsalicylate (liber) dans les rameaux pré-symptomatiques. En phase d’expression des symptômes, les différences s’accentuent sur l’ensemble des échelles d’observations. Les évènements de thyllose et d’altération libérienne sont plus marqués et un défaut de mise en place de l’aoûtement est rapporté. A l’échelle moléculaire, une répression de l’expression des transcrits associés à l’activité cambiale (MOL, WOX4 et CDKB2), comme à la mise en place du phellogène (APL et SHR) est observée. Enfin, une diminution de la teneur en 1-kestose (fructo-oligosaccharide) est rapportée. Ces transcrits ou métabolites, impliqués dans l’immunité végétale ou la qualité des bois, pourraient servir à l’avenir de bio-indicateurs des dysfonctionnements associés à ce dépérissement.