Microbiote des produits fermentés par approches culturales et métagénomiques Exemple d'un fromage artisanal : le Pélardon
Résumé
Ces dernières années, les approches métagénomiques (basées sur le séquençage de l’ADN microbien) sont devenues incontournables dans l’étude des écosystèmes microbiens des aliments, supplantant parfois les approches culturales classiques souvent considérées comme laborieuses. A travers l’exemple du Pélardon, fromage artisanal au lait cru de chèvre fabriqué par backslopping de lactosérum, nous avons comparé les communautés microbiennes au cours de la fabrication du fromage révélées par deux approches cuture-indépendantes, i.e. métagénétique 16S et métagénomique Shotgun, ainsi que par approche culturale. Cette dernière a reposé sur la déréplication et l’identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF de plus de 600 isolats bactériens isolés de quatre milieux de culture différents. Pour ces trois méthodes, les analyses ont été réalisées sur des échantillons de Pélardon prélevés à trois stades de fabrication : caillage, affinage précoce (2 semaines) et affinage prolongé (2 mois) en analysant croûte et cœur séparément.
La reconstruction des dynamiques microbiennes a montré une diversité croissante au cours de la fabrication. Les trois approches s’accordent sur la dominance marquée de Lactococcus lactis dans le caillé, suivi de Leuconostoc mesenteroides. En revanche, les stades d’affinage ont été marqués par de fortes divergences entre les différentes approches, menant à des visions très différentes des communautés, que ce soit en surface ou au cœur du Pélardon. Ainsi, cinq genres parmi lesquels Lacticaseibacillus et Enterococcus, n’ont été détectés que par l’analyse culture-dépendante tandis que six autres genres (i.e. Brachybacterium, Acinetobacter) n’ont été mis en évidence qu’à travers les approches culture-indépendantes. Si certains genres correspondaient à des populations sous-dominantes, il n’en est pas de même pour Lacticaseibacillus paracasei. Cette espèce représentait près de la totalité des flores lactiques cultivables en cœur des fromages affinés et n’a pas été détectée par l’analyse métagénétique ou Shotgun. A l’inverse, sur la base des analyses culture-indépendantes, L. lactis restait dominante tout au long de l’affinage en surface et au cœur, tandis qu’elle n’était plus détectée sur aucun des milieux utilisés par approche-culture dépendante au second stade d’affinage étudié (2 mois). Plusieurs hypothèses biologiques ont été envisagées pour expliquer cette divergence. Toutefois, ces résultats ont permis de mettre en exergue les forces et les biais liées aux approches basées sur l’ADN et illustrent, par ailleurs, la nécessité d’une approche polyphasique dans l’étude des dynamiques microbiennes des fromages artisanaux.
Origine | Fichiers produits par l'(les) auteur(s) |
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