Point, ligne et plante. L'être végétal comme expérience de seuil existentiel - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2016

Point, ligne et plante. L'être végétal comme expérience de seuil existentiel

Résumé

Le monde végétal nous fascine et nous intrigue, familier et attachant, et pourtant énigmatique et étrange. C’est peut-être l’évidence qui crée ce trouble, une évidence qui vient contredire à notre insu les catégories mentales de notre relation intime au monde, celles notamment de l’espace et du temps. Avec le végétal, notre expérience sensible et intuitive nous informe que nous vivons dans plusieurs ordres de réalité. L’invention de la perspective à la Renaissance nous a familiarisée avec un espace à trois dimensions, configuré et totalisé par un centre, point ultime d’un observateur – le « sujet » – qui est finalement toujours situé hors cadre. Le point centralisateur induit une focalisation de l’esprit moderne ego/anthropo-centré vers un topos, qui semble indiquer que tout est là. Toutefois, la perspective orientale popularisée en Occident sous le terme de japonisme nous rappelle que ce tout n’est peut-être finalement qu’une partie dont le centre est situé périphériquement. En contrepoint du point, la ligne ouvre sur une perspective pré/post-moderne d’une totalité en dépassement, non située, débordante. Au tournant du XXe siècle, le rapport du point à la ligne a pu commencer à être pensé sur des bases non euclidiennes du fait de l’invention de nouvelles géométries de l’espace. Mise en écho par la recherche de nouvelles expressions esthétiques, cette transformation permet de regarder sous un nouvel angle l’étrangeté du monde végétal. Il nous faut pour cela déconstruire une lecture à « n » du réel et passer à une vision « à n – 1 », celle par laquelle Gilles Deleuze et Félix Guattari ont justement décrit l’état du rhizome comme étant un plus-être. Par sa structure fractale, la plante échappe à une saisie dans l’espace à trois dimensions et nous entraîne dans un « sur–vivre » par-delà la finitude des limites mortelles de l’existence. La plante n’a pas de « dehors » et c’est pourquoi elle n’est pas (comme) un animal. Le fait de vivre chez les plantes signifie que nous partageons cette topologie ouverte et que notre agir, tout particulièrement celui de la domestication et de l’agriculture, se déploie selon des lois qui ne sont pas euclidiennes. Cette réalité implique que nous devons repenser la base topologique de nos relations éthiques selon des modalités végétales.
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Dates et versions

hal-03994336 , version 1 (17-02-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03994336 , version 1

Citer

Sylvie Pouteau. Point, ligne et plante. L'être végétal comme expérience de seuil existentiel. Les limites du vivant, Dehors, pp.345-362, 2016, 978-2-36751-009-5. ⟨hal-03994336⟩
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