L’apiculture occupe une place à part dans le monde agricole. Fortement structurée par les catégories « amateurs » et « professionnels », elle a échappé à la dynamique de professionnalisation qui a marqué l’agriculture depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui n’a eu de cesse de sélectionner les agriculteurs les plus « performants » (Alphandéry et al. 1989). De fait, les apiculteurs « amateurs » (moins de 50 ruches) dominent numériquement ; ils représentent 92 % des effectifs contre 4 % pour les professionnels (plus de 150 ruches) et 3 % pour les semi-professionnels (de 50 à 150 ruches) selon FranceAgriMer (2021). À partir d’une analyse socio-historique de ces catégories, nous montrons leur caractère labile ainsi que les oppositions « amateurs » et « professionnels » qui parcourent l’activité apicole depuis le milieu du XIXe siècle et dont la teneur et le sens évoluent au fil du temps. Révélatrice des différentes manières de concevoir et de pratiquer l’apiculture, la persistance de ces catégories nous conduit par ailleurs à les envisager comme une forme de résistance à la professionnalisation selon le modèle qui a prévalu en agriculture. Cette analyse chronologique distingue trois temps forts correspondant à chacune des parties. Dans la première, nous analysons le déclin de l’apiculture paysanne et l’émergence de nouvelles conceptions de l’apiculture sous l’effet de la science, dans la seconde moitié du XIXe siècle. La seconde partie met en lumière l’échec du mouvement de professionnalisation après la Seconde Guerre mondiale qui entérine la séparation entre « amateurs » et « professionnels ». Enfin, la troisième partie confronte ces mêmes catégories à la question environnementale depuis la disparition massive des colonies d’abeilles dans les années 1990. Conduite à l’échelle nationale, cette recherche s’appuie sur des documents d’archives et sur une abondante littérature apicole : bulletins de sociétés savantes, revues spécialisées, traités et manuels d’apiculture, textes de lois, etc.