Les protéines issues d’organismes unicellulaires comme nouvelle source de protéines alimentaires : Evaluation de la qualité nutritionnelle chez le rat
Abstract
Introduction : Dans le contexte de recherche de nouvelles sources de protéines pour répondre à l’accroissement de la demande en protéines alternatives aux sources animales, les protéines issues d’organisme unicellulaire (POU) représentent une filière en plein essor. En effet, les POU sont produites en conditions d’environnement contrôlées, ne mobilisent pas de grandes surfaces agricoles, et peuvent valoriser des déchets. Cependant, leur contenu élevé en acides nucléiques a limité leur utilisation en alimentation humaine. Des POU issues de levure (Y1) et de bactérie (B1) présentant des taux réduits d’acides nucléiques ont été produites. L’objectif de cette étude était i- d’évaluer la qualité protéique de ces POU et ii- de déterminer les effets métaboliques et physiopathologiques de leur consommation durant 50 jours chez le rat.
Matériel et méthodes : Dans une première étude, des rats Wistar mâles âgés de 3 semaines ont été nourris durant 28 jours avec un régime contenant 10% de protéines (caséines, Y1 ou B1) afin d’évaluer le coefficient d’efficacité protéique (CEP = gain de poids / apport protéique). La digestibilité fécale des protéines a été évaluée grâce aux marquages des protéines au 15N et le score de qualité protéique PDCAAS (Protein Digestibility Corrected Amino Acid Score) a été calculé. Dans une seconde étude, des rats Wistar mâles âgés de 8 semaines ont été nourris durant 50 jours avec un régime contenant 14% de protéines (caséines, Y1 ou B1). La prise alimentaire et le poids ont été mesurés quotidiennement et des échantillons d’urine et de plasma ont été collectés 0, 25 et 50 jours après le début du régime. La composition corporelle a été évaluée lors de l’euthanasie et le foie et le rein ont été collectés pour analyses histologiques.
Résultats : Le CEP de B1 (2,2 ± 0,1) et Y1 (1,9 ± 0,1) étaient significativement plus faible que celui de la caséine (2,5 ± 0,1, P < 0,001). Les valeurs de digestibilité fécale des protéines étaient comparables entre Y1 (76,6 ± 5,1%) et B1 (79,7 ± 4,8%) mais significativement plus faibles que celle de la caséine (93,7 ± 1,1%, P < 0,001). Malgré la digestibilité moyenne des POU, le PDCAAS était bon pour Y1 (0,9) et excellent pour B1 (1,1) du fait d’un profil bien équilibré en acides aminés indispensables. De plus, 50 jours de régime contenant Y1 ou B1 n’ont pas modifié la prise alimentaire, le gain de poids et la composition corporelle des rats par rapport à un régime à base de caséine. L’évolution des paramètres plasmatiques liés au métabolisme et marqueurs de l’inflammation était également comparable entre les groupes. La consommation du régime Y1 a néanmoins induit une augmentation des concentrations d’acide urique dans les urines mais sans hyperuricémie associée, suggérant une bonne excrétion de l’acide urique. Enfin, l’analyse histologique du foie et du rein était similaire suite à l’ingestion de 50 jours de régime à base de POU ou de caséine.
Conclusion : Nos résultats montrent que la qualité des protéines de Y1 et B1 est très bonne car la digestibilité moyenne est contrebalancée par un bon profil en acides aminés. En outre, à moyen terme, un régime à base de Y1 ou B1 n’induit pas d’effets délétères visibles dans nos conditions expérimentales. L’acide urique produit lors du catabolisme des acides nucléiques semble être bien excrété par l’organisme dans nos conditions expérimentales. Des verrous d’ordre organoleptique et réglementaire restent à lever, mais concernant la qualité des protéines, nos résultats suggèrent que les POU sont bien une option intéressante pour élargir l’offre de nouvelles sources de protéines de bonne qualité.