Les têtes de bassin versants agricoles contribuent de manière significative à la production et au transfert de particules vers les cours d’eau, ainsi qu’au transfert des contaminants qui y sont associés. Les enjeux correspondants sont très divers et s’expriment à différentes échelles spatiales, du ruissellement érosif et de la mobilisation des contaminants associés à l’échelle de la parcelle agricole, jusqu’aux transferts vers les grandes masses d’eau à l’aval des bassins versants. Dans ce contexte, l’organisation spatiale des paysages agricoles (réseau de haies, bandes enherbées, fossés etc.) apparaît comme un levier d’action potentiel pour maîtriser les transferts de sédiments et de polluants vers l’aval, en augmentant la rugosité de l’espace pour influer sur la connectivité hydrosédimentaire et favoriser la dissipation des contaminants transférés hors de la parcelle, que ce soit en phase soluble ou en phase particulaire (Catalogne and Le Hénaff 2017)(Fressard and Cossart, 2019). Le Beaujolais viticole constitue un territoire particulièrement sensible à l’érosion, ainsi qu’aux transferts de pesticides. En effet, les sols sableux développés sur granite ou gneiss et les pentes fortes favorisent l’érosion, tandis que les pratiques agricoles privilégient encore beaucoup le recours au désherbage chimique ; l’enherbement inter-rang y est peu répandu, notamment dans la partie nord de la zone, où sont produits les crus du Beaujolais. Par ailleurs, les aménagements anthropiques développés pour gérer les flux produits favorisent pour partie les transferts rapides des particules érodées et des contaminants associés vers le réseau hydrographique. De plus, dans la partie Nord du Beaujolais, les zones tampons (bandes enherbées, haies etc.) sont encore peu développées. Dans le Beaujolais, l’étude de la chaîne causale pression – exposition –impact, visant à identifier les freins et leviers à l’amélioration de la qualité de l’eau vis-à-vis des pesticides avaient surtout porté jusqu’à présent sur les transferts en phase soluble, supposés majoritaires (Gouy et al. 2008; Gouy 2012). Toutefois, le contexte érosif dans le Beaujolais et l’évolution du profil des substances actives homologuées, allant vers une mobilité moindre dans l’environnement (favorisant une demie vie limitée et une bonne capacité d’adsorption sur la matrice du sol) incitent à réévaluer cette hypothèse. Dans ce contexte, le projet Pulse avait pour objectifs de progresser dans la compréhension de la dynamique des transferts hydrosédimentaires et des contaminants associés dans le Beaujolais de Coteaux, et d’évaluer l’influence de scénarios contrastés d’évolution du paysage du Beaujolais, tant du point de vue de l’occupation du sol que de la gestion de l’enherbement ou des infrastructures paysagères (Fressard et al., 2023). La démarche alliait expérimentation pour acquérir de premiers ordres de grandeur sur les taux d’érosion spécifique dans les vignobles du Beaujolais et sur la part du transfert particulaire de pesticides dans ce contexte agropédoclimatique, et modélisation pour rendre compte du rôle de la structure paysagère dans le transfert de sédiments et de polluants dans le bassin versant. Les travaux se sont appuyés sur le Site Atelier Ardières Morcille (Gouy et al., 2021) et ont porté sur trois échelles emboîtées, allant de la parcelle viticole au bassin versant de 150 km² avec un point intermédiaire au niveau d’un petit bassin versant de 3.5 km². Dans un premier temps, la présentation abordera le dispositif expérimental, et les résultats obtenus en terme de transferts de pesticides en phase particulaire. Ceux-ci, qui restent à consolider par des suivis complémentaires, montrent que pour certaines substances actives facilement adsorbées, le taux de transfert peut être significatif, de quelques dizaines de pourcents des quantités appliquées. Ils mettent également en évidence la remobilisation dans l’écoulement de substances interdites depuis plusieurs années, y compris à l’échelle de la parcelle élémentaire. L’étude de la cascade sédimentaire montre également la dynamique événementielle et saisonnière des transferts hydrosédimentaires, avec un découplage de la période de production des particules sur les versants et de transfert au sein du réseau hydrographique, qui incite à étudier plus avant la dynamique associée de transfert de pesticides en phase particulaire. Dans un deuxième temps, on présentera l’intégration de l’érosion au sein de l’outil SIG de modélisation spatialisée simplifiée GeoMelba (Grillot et al. 2022), pour le contexte du Beaujolais de Coteaux. Ce logiciel, initialement développé pour les transferts rapides de pesticides en phase soluble, a pour objectif de représenter l’influence de l’évolution de l’occupation du sol, de systèmes culturaux, et d’aménagements d’infrastructures agroécologiques sur les transferts à l’échelle du petit bassin versant. Il a ici été adapté pour représenter également les processus d’érosion à l’échelle de la parcelle, en appliquant la MUSLE (Modified Universal Soil Loss Equation, Williams, 1975) sur une large gamme de scénarios, couvrant la variété des situations rencontrés sur le bassin de la Morcille ou susceptibles de l’être suite à des évolutions de pratiques ou d’aménagement sur le bassin. Cette version de GeoMelba a ensuite été appliquée pour évaluer les conséquences sur les transferts hydrosédimentaires de quelques scénarios contrastés d’évolution. Les résultats illustrent le levier que constitue l’aménagement du bassin versant, en complément de l’évolution des pratiques au sein des parcelles viticoles.