Ascension et fragilisation d’une petite bourgeoisie culturelle. Une enquête ethnographique dans une ville moyenne en déclin. - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Thèse Année : 2018

Commit to culture : ascension and weakening of the cultural pole of a declining average city

Ascension et fragilisation d’une petite bourgeoisie culturelle. Une enquête ethnographique dans une ville moyenne en déclin.

Résumé

« Petite bourgeoisie nouvelle » (Bourdieu, 1979), « nouvelles couches moyennes » (Bidou, 1984), « gentrifieurs » (Collet, 2015), « bobos » (Brooks, 2000), « bourgeoisie progressive » (Tissot, 2011), etc., depuis maintenant plus de quarante ans, les qualificatifs savants et ordinaires qui visent à désigner les fractions intellectuelles des classes moyennes et supérieures ne manquent pas. Cette abondance est bien sûr liée à l'hétérogénéité sociale de ces populations qui, saisies à travers des époques et des contextes socio-spatiaux divers, n'ont guère en commun qu'une tendance à l'accumulation et à la valorisation du capital culturel. Toutefois, ces recherches focalisent leur attention sur le seul cas des grandes agglomérations, laissant dans l'ombre celui des villes petites et moyennes (les unités urbaines de moins de 100 000 habitants), qui assurent pourtant des fonctions territoriales fortes et concentrent près d'un tiers de la population française (Insee, RP 2013). Cette thèse repose sur des matériaux ethnographiques et statistiques collectés dans le cadre d'une enquête localisée au long cours (2010-2018). Elle interroge la crise de la reproduction du « pôle culturel » d'une ville moyenne en décroissance (Nevers) et place ainsi la focale sur ces espaces en marge des grandes agglomérations et des dynamiques de gentrification qui s'y observent. Constitué de salariés directs et indirects de la « main gauche de l’État » décentralisée et déconcentrée, d'artistes, de militants associatifs et politiques, le pôle culturel neversois connaît une ascension importante dans les années 1980 et 1990, portée par les politiques culturelles dites de « démocratisation », le développement de la Fonction Publique Territoriale, ainsi que la professionnalisation du monde associatif (chapitres 1 et 2). Cette ascension ne concerne cependant que la génération née dans les années 1960, dont les membres, devenus élus socialistes, artistes-plasticiens reconnus, directeurs d'associations, d'institutions culturelles et des services des collectivités, forment dès les années 2000 une petite bourgeoisie culturelle locale. Elle s'oppose en cela aux générations nées dans les années 1970 et 1980, qui, malgré l'expérience d'études supérieures dans une grande agglomération et leur engagement dans des activités associatives et artistiques, ne rencontrent pas le succès des « reconversions militantes » de leurs aînés (chapitres 3 et 4). Cette fragilisation du groupe, sous les effets conjugués des politiques de réduction des dépenses publiques et des dynamiques dites de « métropolisation », est redoublée par la défaite des socialistes aux élections municipales de 2014, après quarante-trois années au pouvoir, au profit d'une nouvelle majorité composée d'élus « sans étiquette », UMP et UDI. Le déclin du pôle culturel neversois se fait alors en raison de plusieurs facteurs : crise de la représentation politique, précarité et incertitude au travail pour les jeunes générations, menace du travail d'appropriation de l'espace public et de certains lieux de sociabilité (cafés, locaux associatifs, équipements culturels, etc.). Autour de cette trajectoire descendante collective, on observe dans les conduites de sociabilité de ce groupe d’interconnaissance une forte tendance à l'agrégation affinitaire et au rejet de l'altérité sociale. La croissance démographique des classes populaires précarisées dans le centre-ville est par exemple commentée avec inquiétude et regret, donnant lieu à des manifestations particulièrement aiguës de mépris social, qui se donnent à voir sans tentative d'euphémisation ou de dissimulation (chapitre 6).
"New bourgeoisie" (Bourdieu, 1979), "new middle layers" (Bidou, 1984), "gentrifiers" (Collet, 2015), "bobos" (Brooks, 2000), "progressive bourgeoisie" (Tissot, 2011), etc., for more than forty years now, the learned and ordinary qualifiers which designate the intellectual fractions of the middle and upper classes are not lacking. This abundance is of course linked to the social heterogeneity of these populations, which, captured through different socio-spatial periods and contexts, have little in common but a tendency to accumulate and valorize cultural capital. However, this research focuses their attention on the single case of large urban areas, leaving behind that of small and medium-sized cities (urban units of less than 100,000 inhabitants), which nevertheless provide strong territorial functions and concentrate close to one third of the French population (INSEE, RP 2013). This thesis is based on ethnographic and statistical material collected as part of a long-term localized survey (2010-2018). It questions the reproduction crisis of the "cultural pole" of a declining middle city (Nevers) and thus places the focus on these spaces on the fringes of the large agglomerations and gentrification dynamics that are observed there. Consisting of direct and indirect employees of the decentralized and deconcentrated "left hand of the state", artists, activists and political activists, the cultural center of Nevers knew a significant rise in the 1980s and 1990s, driven by cultural policies. so-called "democratization", the development of the Territorial Public Service, as well as the professionalization of the associative world (chapters 1 and 2). This rise, however, only concerns the generation born in the 1960s, whose members, who became elected socialists, recognized visual artists, directors of associations, cultural institutions and community services, formed in the 2000s a small bourgeoisie cultural heritage. It is opposed to the generations born in the 1970s and 1980s, who, despite the experience of higher education in a large city and their involvement in associative and artistic activities, do not meet the success of "militant reconversions" of their elders (chapters 3 and 4). This weakening of the group, under the combined effects of policies to reduce public spending and dynamics called "metropolisation", is redoubled by the defeat of the Socialists in the municipal elections of 2014, after forty-three years in power, in favor of a new majority composed of elected "without label", UMP and UDI. The decline of the cultural center of Nevers is then due to several factors: crisis of political representation, precariousness and uncertainty at work for the younger generations, threat of the work of appropriation of the public space and certain places of sociability (cafes associations, cultural facilities, etc.). Around this collective downward trajectory, there is a strong tendency towards affinity aggregation and the rejection of social otherness in the sociability behaviors of this group of nter- knowledge. For example, the population growth of the marginalized working class in the city center is commentated with concern and regret, giving rise to particularly acute manifestations of social contempt, which can be seen without any attempt at euphemism or concealment (chapter 6).

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Citer

Elie Guéraut. Ascension et fragilisation d’une petite bourgeoisie culturelle. Une enquête ethnographique dans une ville moyenne en déclin.. Sciences de l'Homme et Société. Université Paris Descartes - Paris 5, 2018. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-02788541⟩
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