Land market as a social construct : public policy, legal pluralism and contractual games in the Mexican ejido sector
La construction du marché foncier par les acteurs : politiques publiques, pluralisme juridique et jeux contractuels dans le secteur ejidal mexicain
Résumé
Composante centrale des politiques foncières actuelles dans les pays en voie de développement, le marché foncier est généralement posé comme la condition d'une reprise de la productivité agricole, mais le raisonnement économique à la base de ce postulat tend à négliger la dimension institutionnelle du fonctionnement du marché. Cette recherche part d'un exemple d'ouverture d'un marché foncier par décret (à travers la réforme promulguée au Mexique en 1992) pour explorer la relation entre politique publique et pratiques locales en associant les outils analytiques de la "Nouvelle Economie Institutionnelle" à un travail de terrain qui s'inspire des méthodes de l'anthropologie économique. L'objectif est d'identifier l'impact de la réforme sur les conditions de fonctionnement des deux composantes du marché foncier (faire-valoir indirect et achat-vente), en s'intéressant à la fois aux caractéristiques des transactions (volume, prix) et aux systèmes de régulation qui les régissent. La thèse défendue ici est que le marché foncier doit se comprendre comme une construction sociale résultant de l'interaction stratégique de différents niveaux d'acteurs, individuels ou collectifs : le législateur, l'administration agraire, les organisations intermédiaires et enfin les transactants eux-mêmes. Dans ces conditions, l'analyse de la réforme devient celle des conséquences du repositionnement des différents acteurs par rapport à un changement opéré au niveau supérieur. En mettant en évidence les limites intrinsèques de la réforme ainsi que ses effets inattendus ou pervers, le travail de terrain débouche sur la conclusion suivante : la légalisation du marché foncier n'est ni suffisante (ni même parfois nécessaire) pour ce qui est de créer les conditions favorables à son développement. Elle doit s'accompagner de la mise en place, par les acteurs, de conditions institutionnelles (un market order) appropriées. A l'heure actuelle, ce market order efficient reste en bonne partie à construire.