Pinus pinea L. est une espèce d’une grande importance écologique et économique dans la région méditerranéenne et surtout au Liban où il existe un manque de connaissances sur le statut de cette essence (spontanée ou introduite) et plus largement sur la dynamique de végétation des peuplements de pin pignon et les conditions de leur régénération naturelle. Notre étude vise à produire une première classification des pinèdes en fonction de leur composition floristique et des facteurs du milieu dans la région du Mont Liban, à analyser la régénération naturelle du pin et à préciser la dynamique de ces peuplements. Sur la base d’une cartographie des peuplements et des principaux facteurs de l’environnement nous avons échantillonné cinquante placettes réparties dans dix sites. Dans chaque placette, la composition floristique, les caractéristiques dendrométriques du peuplement et la régénération naturelle ont été décrites. Les résultats montrent que la plupart des pinèdes du Mont Liban sont denses (849 tiges.ha-1) et âgées (81 ans) avec une surface terrière élevée (49 m2.ha-1). La régénération du pin est particulièrement limitée avec une installation préférentielle du chêne (Q. calliprinos principalement et Q. infectoria secondairement) dans la strate arbustive. Nous avons ensuite testé l'influence des perturbations du sol et de la litière (scarification du sol et brûlage contrôlé) et de la prédation sur la régénération du pin dans une expérience in situ conduite dans un peuplement de pin fermé. Une expérimentation complémentaire a été conduite en laboratoire pour tester l’influence de la litière et un éventuel effet auto-toxique (via le macérât des aiguilles vertes) sur la germination des graines et la croissance des plantules de pin. L’expérience de terrain a montré un effet très significatif des perturbations du sol, en particulier la scarification qui a favorisé l'émergence des semis et la survie précoce, alors que la prédation n’a joué qu’un rôle faible. Cependant, à la fin de l’expérience après 6 mois, un taux de mortalité très élevé dans tous les traitements a été observé certainement en lien avec le faible éclairement. L’expérience de laboratoire a montré un effet négatif de la litière ainsi qu’un effet autotoxique de l'extrait aqueux d'aiguilles vertes sur la germination des graines et la croissance des plantules. Cet effet allélopathique pourrait être potentiellement lié à la présence d'acide quinique qui a été mesuré comme le principal métabolite détecté dans les extraits aqueux d'aiguilles. Ces travaux nous permettent de conclure que le pin pignon n’est certainement pas une espèce « climacique » dans les trajectoires de succession comme cela l’a été affirmé dans de précédentes études phytosociologiques. En effet les facteurs de blocage de la régénération sont forts et nous avons souligné en particulier le rôle défavorable joué par la litière. Les peuplements sont alors amenés à évoluer spontanément vers des chênaies. Le renouvellement des peuplements âgés de pin pignon dans la région du Mont Liban nécessite donc une gestion active et nous recommandons une ouverture du couvert forestier assistée par des pratiques de préparation du sol pour assurer l’installation et le développement d’une régénération naturelle sur le long terme.