L’abondance naturelle du 15N comme biomarqueur d’efficience d’utilisation de l’azote chez le ruminant
Résumé
L’efficience d’utilisation de l’azote (EUN ; azote retenu ou sécrété dans le lait/azote ingéré) est un facteur prépondérant de l’efficience alimentaire chez le ruminant et détermine l’importance des rejets azotés vers l’environnement. Néanmoins, l’EUN est difficilement mesurable, d’où la nécessité de trouver de nouveaux outils permettant sa prédiction. L’abondance naturelle de l’isotope lourd de l’azote (δ15N, rapport 15N/14N) dans les protéines d’un animal est toujours supérieure (≈ 3,6‰) à celle présente dans son régime alimentaire. Cette différence isotopique entre l’animal et son régime (fractionnement isotopique [Δ15N = δ15Nanimal - δ15Nrégime]) peut provenir de l'affinité plus élevée des enzymes microbiennes (rumen) ou animales (tissus) pour l’isotope léger de l’azote (14N ; Macko et al., 1986). Ceci expliquerait que les rejets d’azote soient généralement appauvris en 15N et que les protéines animales soient enrichies en 15N par rapport à l’azote alimentaire. L’objectif de ce travail était 1) d’évaluer le potentiel du Δ15N comme marqueur d’EUN chez le ruminant et 2) d’étudier les liens entre Δ15N et les flux digestif et métabolique d’azote afin d’analyser le principe par lequel ce biomarqueur isotopique est relié à la partition de l’azote chez le ruminant. Pour cela des échantillons de sang et d’aliments de trois expérimentations préalablement réalisées au sein de l’UMRH ont été analysés (Sepchat et al., 2013 [36 mesures chez le bovin en engraissement] ; Fanchone et al., 2013 [16 mesures chez la vache laitière portant des canules digestives] ; Cantalapiedra-Hijar et al., 2014 [19 mesures chez la vache laitière portant de cathéters splanchniques]). Les résultats ont été reliés aux données zootechniques d’EUN. Une relation négative et significative (P < 0,001) entre EUN et Δ15N a été trouvée dans chacune des expérimentations (r2 allant de 0,50 à 0,82) montrant le potentiel de ce biomarqueur isotopique à discriminer l’efficience d’utilisation de l’azote des bovins alimentés avec différentes rations. Ensuite, lorsque le Δ15N a été mis en relation avec les flux métaboliques de l’azote mesurés chez la vache laitière portant des cathéters sanguins, une forte corrélation entre le Δ15N et l’utilisation des acides aminés par les tissus splanchniques (tube digestif et foie) a été observée (r2 allant de 0,65 à 0,72 ; P < 0,001) alors que les relations n’étaient pas significatives (P > 0,05) ni avec l’absorption d’ammoniaque en veine porte (principalement d’origine digestive) ni avec l’efficience digestive d’utilisation de l’azote alimentaire (Cantalapiedra-Hijar et al., 2015a). Ces résultats ont été confirmés lorsque l’abondance naturelle en 15N a été mesurée sur différents pools d’azote digestifs (bactéries ruminales associés à la phase liquide et solide, contenu duodénal, fèces) et métaboliques (protéines plasmatiques totales) chez la vache laitière portant des canules digestives. Les résultats ont montré une faible contribution des processus digestifs au fractionnement isotopique de l’azote (Δ15N) car un écart important (+473%) entre le contenu duodénal et les protéines plasmatiques en termes d’abondance naturelle en 15N a été observé (Cantalapiedra-Hijar et al., 2015b). Il a été conclu que le fractionnement isotopique de l’azote est essentiellement relié à la partition métabolique de l’azote chez le ruminant.