Le BAC de la plaine du Saulce (Auxerrois) : Analyse de la pollution agricole diffuse et esquisse de propositions pour un plan d'action à long terme
Résumé
Les captages de la Plaine du Saulce, au Sud d'Auxerre, en rive gauche de l'Yonne, subissent depuis le début des années 1990 une contamination nitrique importante. Ils contribuent pour un tiers à l'approvisionnement en eau potable des 60 000 habitants de la communauté de communes d'Auxerre, en sollicitant la ressource contenue dans l'aquifère des calcaires du Séquanien. Le choix avant-gardiste à l'époque d'une politique préventive concertée, entre un territoire producteur, la campagne, et un territoire consommateur, la ville, s'est concrétisé par la création en 1998 de l'Association pour la Qualité de l'Eau de la Plaine du Saulce. Cela a permis d'initier une dynamique territoriale de concertation et d'échanges entre les différents acteurs, et de porter un programme d'actions visant à réduire la contamination, principalement nitrique, de l'hydrosystème. Ce programme a consisté dans diverses mesures visant l'assainissement des eaux usées des communes, la prévention des pollutions accidentelles et l'accompagnement des agriculteurs dans l'amélioration de leurs pratiques. Aujourd'hui, l'absence de résultats tangibles aux captages cristallise de plus en plus les discussions à l'Association. Les agriculteurs commencent à douter de la pertinence des efforts concédés, tandis que les collectivités s'interrogent sur l'impact des investissements réalisés dans le préventif et pourraient se tourner vers un renforcement des mesures réglementaires et coercitives (arrêté préfectoral de juin 2011). L'absence de résultats probants sur le niveau de contamination nitrique peut provenir tant de l'inertie du système hydrologique que de l'insuffisance des actions engagées. L'évolution des teneurs en nitrates au captage est étroitement liée au temps de vidange de l'aquifère. Les analyses de datation des eaux par dosage des gaz anthropiques CFCs et SF6, ont permis d'estimer un âge moyen des eaux prélevées d'environ 25 ans. La mise en place d'un dispositif de ré-infiltration d'eau de nappe alluviale peu chargée en nitrates dans la nappe des calcaires à partir d'une gravière permettra d'éviter des dépassements ponctuels en cas de pics temporaires de contamination, mais cette mesure curative n'a pas vocation à résoudre le problème posé par l'accroissement régulier de la contamination nitrique de fond. Le temps de latence de l'aquifère impose de débuter dès à présent des actions fortes, au travers de scenarii d'évolutions des pratiques qui s'inscrivent dans une réflexion de longue durée plutôt que de multiplier des mesures avec des impacts faibles ou incertains. L'analyse par la méthode du bilan azoté de surface des pratiques agricoles réelles ou préconisées par le biais de MAET (mesures agroenvironnementales territorialisées) et inscrites dans l'arrêté préfectoral "captage Grenelle" de la Plaine du Saulce, montre qu'aucunes des actions engagées ne seront suffisantes pour permettre une amélioration notable de la qualité de l'eau. La généralisation des bonnes pratiques (application raisonnée des engrais azotés dans des rotations diversifiées, et utilisation systématique de cultures intermédiaires) s'avère absolument nécessaire pour stabiliser la situation mais elle ne permettra pas d'assurer la production d'une eau sous-racinaire satisfaisant aux exigences de potabilité en termes de contamination nitrique. Sauf à rentrer dans une logique d'usage exclusif du territoire entre agriculture ou production d'eau, s'impose une profonde remise en cause du modèle agricole actuel et des objectifs de rendements croissants qu'il implique. Une série d'enquêtes menées dans des exploitations biologiques d'une large moitié Nord de la France, nous permet de proposer l'agriculture biologique comme un modèle alternatif crédible pour minimiser durablement les risques de contamination nitrique, tout en proposant un projet territorial d'ensemble pour l'Auxerrois. On observe que les meilleures performances sont obtenues dans les exploitations conduites en polyculture-élevage. En moyenne à l'échelle d'une rotation, plus de la moitié de l'export azoté total est destiné à l'alimentation du bétail via production de fourrage riche en protéine (luzerne). Il est donc absolument indispensable d'articuler les réflexions d'une transition possible vers l'agriculture biologique autour de la complémentarité entre cultures et élevage pour éviter soit une sur-fertilisation des terres en l'absence de débouchés pour les produits récoltés à fort contenu azoté, soit une dépendance à une fertilisation organique exogène. Par l'analyse de l'organisation géographique des productions agricoles biologiques et conventionnelles en Bourgogne, il ressort deux échelles pertinentes pour bâtir un territoire de polyculture-élevage, le bassin d'alimentation de captage de la Plaine du Saulce et/ou la région Bourgogne. Ainsi, la complémentarité entre l'animal et le végétal au niveau du cycle de l'azote pourrait se faire à l'échelle du BAC par un retour innovant de l'élevage ovin et/ou par la mise en place à l'échelle régionale d'une filière directe de débouchés des co-produits des céréales biologiques produites sur les surfaces en grandes cultures du BAC.
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