Voies de progrès génétique pour les légumineuses en Europe et en Afrique du Nord
Résumé
Comme source de protéines, tant pour l’alimentation humaine qu’animale, les variétés de légumineuses à
graines et fourragères qui ont la capacité d’utiliser la ressource azotée de l’air, constituent des leviers
importants pour la construction d’une agriculture durable. Que ce soit en Europe ou en Afrique du Nord, une
forte demande variétale se développe pour les légumineuses, afin de répondre au besoin d’une diversité
d’espèces et de systèmes de culture pourvoyeurs de services alimentaires, environnementaux et
écologiques. Un progrès génétique a été fait au courant des dernières décennies mais reste limité à cause de
verrous biotechniques, financiers et parfois organisationnels au sein des filières.
Le marché des semences de légumineuses se caractérise par une forte proportion de semences de ferme
(souvent > 50%). Ceci affaiblit la filière semencière, les investissements en sélection et recherche, et par
conséquence le renouvellement variétal. Nous décrirons plus en détail cette situation par des données du
marché des semences et des variétés illustrant des différences entre les espèces de légumineuses et des
divergences-convergences entre les contextes France-Afrique du Nord. La dynamique insufflée par le
Catalogue des Espèces et variétés constitue un pilier fondamental du secteur semencier formel
prépondérant en France alors qu’en Afrique du Nord, un secteur informel peu régulé prédomine.
Une grande diversité de légumineuses est conservée en ex-situ dans d’importantes collections nationales et
internationales qui seront présentées. En Afrique du Nord, les dispositifs de gestion à la ferme des
ressources génétiques sont aussi une composante déterminante de la gestion de la diversité. Les actions de
préservation et de caractérisation phénotypique des ressources génétiques ont un coût important, mais sont
essentielles pour la construction et l’adaptation d’une diversité variétale composée de formes améliorées,
traditionnelles ou de mélanges, comme facteur de résilience.
Pour les systèmes agricoles marginaux mobilisant peu d’intrants dans les conduites agricoles, le levier
variétal est une composante clé du progrès agronomique. Des actions d’amélioration génétique participative
sont souvent mises en place pour permettre l’exploitation des spécificités des variétés locales tout en
diversifiant les objectifs d’utilisation (qualité nutritionnelle, résistance aux stress biotiques et abiotiques …).
Nous évoquerons quelques exemples.
La mobilisation des avancées scientifiques pour des fins de sélection, notamment par l’utilisation des outils
moléculaires, est divergente entre la France et l’Afrique du Nord. Le programme collaboratif français sur les
pois d’hiver à semis précoce (pois Hr) est un exemple d’une action très intégrée filière-sélectionneurrecherche.
D’autres programmes de recherche nationaux et internationaux ont permis aussi un gain de
temps et d’efficacité par l’introduction d’une sélection multi-caractérielle, assistée par marqueurs et le
déploiement d’une approche translationnelle qui vise à transférer les connaissances acquises sur une espèce vers une autre. L’utilisation des résultats de recherche est plus modeste en Afrique du Nord où la sélection
reste essentiellement phénotypique.
Les 50 dernières années de recherche et de sélection ont apporté un progrès génétique certain mais encore
insuffisant. Si l’amélioration des rendements reste un objectif important, des attentes plus précises sont
exprimées et font l'objet de travaux de génétique et d'amélioration. On enregistre, à titre d’exemple, des
attentes montantes sur les résistances aux stress hydriques et thermiques et aux bio-agresseurs dans un
contexte de changement climatique, de réduction de l’usage des pesticides et de développement de
l’agroécologie. De multiples questions sont transversales entre les espèces et sont communes à la France et
à l’Afrique du Nord. Nous en parlerons.