Caractérisation des effets du dioxyde de titane de qualité alimentaire et à fraction nanoparticulaire sur un modèle d’organoïde intestinal
Résumé
Introduction et but de l’étude
L’exposition orale aux nanoparticules (NPs) inorganiques via des additifs alimentaires utilisés ad quantum satis dans la transformation des aliments soulève des inquiétudes de santé publique compte tenu de l’exposition chronique chez l’homme. Le dioxyde de titane (TiO2, E171 en UE) est un additif nanoparticulaire utilisé comme colorant blanc et opacifiant (confiserie, pâtisseries, sauces) et agent d’enrobage (compléments alimentaires, médicaments), responsable de réponses pro-inflammatoires et promoteur de lésions précancéreuses dans l’intestin de rongeur. Lors d’évaluations du risque toxique d’une exposition orale chronique aux NPs, l’identification de « dangers » requiert souvent des expériences longues chez l’animal et des compétences spécifiques. Les récentes avancées technologiques dans l’utilisation de cellules souches et la culture en 3D permettent désormais l’utilisation d’organoïdes comme alternative à l’expérimentation animale. Ainsi, nous avons utilisé des organoïdes intestinaux murins pour caractériser les impacts du TiO2 alimentaire en comparaison des données in vivo afin de valider leur utilisation comme modèle d’étude des effets des NPs inorganiques dans l’intestin.
Matériel et Méthodes
Trois souris C57bl/6 ont été utilisées pour les prélèvements de l’intestin grêle. Les cryptes intestinales ont été purifiées, dissociées et les cellules ainsi récoltées ont été mises en culture pour la génération d’organoïdes. Après 4 passages, les organoïdes ont été dissociés et cultivés en 2,5D puis exposés à des doses croissantes de E171 (0,1, 1 ou 10 µg TiO2/mL) ou à un cocktail IFN-γ/TNF-α (1 ou 10 ng/mL) pendant 24h. Les surnageants ont ensuite été collectés et la cytotoxicité testée par la quantification de la Lactate Déshydrogénase (LDH) libérée. L’expression de gènes impliqués dans la différentiation cellulaire, la génotoxicité, la production de peptides antimicrobiens, la perméabilité épithéliale, le stress oxydatif, les récepteurs Toll-Like (TLR), et la réponse inflammatoire (NFκB, chimiokines) a été étudiée par qPCR. L’apoptose cellulaire et la génotoxicité ont également été évaluée par quantification respectivement de la Caspase-3 clivée et du γH2AX en immunofluorescence.
Résultats et Analyses statistiques
Aucune différence de sécrétion de LDH n’a été observée suite à l’exposition des organoïdes intestinaux au cocktail IFN-γ/TNF-α ou au E171, démontrant l’absence
d’effet cytotoxique de ces traitements. Une augmentation dose-dépendante de l’expression des gènes Tlr4, Nf κb2 et Rela, régulés par les cytokines proinflammatoires, a été observée après exposition au cocktail IFN-γ/TNF-α, confirmant notre modèle d’organoïde intestinal comme fonctionnel et capable de répondre à un stress inflammatoire. L’exposition des organoïdes au E171 a induit des modifications transcriptionnelles qui sont dose-dépendantes. Ainsi, l’expression du gène de prolifération Mki67 et le marquage de la Caspase-3 clivée ont été augmentés de façon dose-dépendante après exposition au E171, suggérant un renouvellement ou une restructuration de l’épithélium. Ces modifications sont concomitantes à une diminution de l’expression du gène marqueur de cellules souche Lgr5 ainsi qu’à une augmentation dose-dépendante de l’expression du gène producteur de mucine Muc2, du marqueur de différenciation entérocytaire Vill et de cellules neuroendocrines Chga. De plus, La voie NFκB impliquée dans la réponse inflammatoire a été diminuée de manière dose-dépendante, sans modification de la voie TLR4 ou du stress oxydatif. L’exposition au E171 a augmenté l’expression du gène marqueur de dommage à l’ADN Gadd45A ainsi que le marquage γH2AX, et induit une sous-expression de gènes codant pour des peptides antimicrobiens (Reg3g, S100a8) et des protéines impliquées dans le contrôle de jonctions serrées (Cldn1, Cldn7, Cldn15), suggérant une génotoxicité accrue et une altération de la sécrétion des défenses antimicrobiennes et de la perméabilité épithéliale.
Conclusion
En accord avec les études in vivo, l’intégrité de la barrière épithéliale en termes de prolifération/différenciation cellulaire, de génotoxicité, de défenses innées et de
perméabilité aux intrants, a été affectée dans des organoïdes intestinaux murins exposés 24h aux TiO2 alimentaire. Ces observations valident donc l’utilisation d’organoïdes pour étudier les effets de NPs inorganiques dans l’intestin.