Introduction et but de l’étude: Au cours des dernières décennies une transition nutritionnelle a été observée aux Caraïbes, objectivée par une augmentation de prévalence d’obésité et maladies chroniques. Simultanément, la Martinique a fait face à une transition démographique marquée, notamment par un important vieillissement de la population. Nous avons évalué la contribution de cette transition démographique dans les changements d’état de santé et d’apports alimentaires, par rapport à des facteurs non observés (e.g. évolution de l’offre alimentaire). Matériel et méthodes: Notre étude repose sur deux enquêtes transversales menées en 2003 et 2013 menées sur des échantillons représentatifs, incluant 743 et 573 adultes martiniquais (≥16 ans), respectivement. Les apports alimentaires ont été estimés par des rappels des 24h. La qualité des régimes a été évaluée par le mean adequacy ratio (MAR) et le mean excess ratio (MER). La part des changements d'état de santé et d’apports alimentaires sur 10 ans due à la transition démographique a été différenciée de celle due à des facteurs non observés, en utilisant des modèles de décomposition Oaxaca-Blinder, méthode statistique en économétrie. Résultats et Analyse statistique: Au cours de la période étudiée, l'état de santé s'est détérioré, en partie à cause du vieillissement de la population expliquant 62 % de la variation de la prévalence de l'hypertension (+13 points de pourcentage) et 48 % de la variation du tour de taille (+3 cm). Nous observons également une diminution de la qualité du régime alimentaire (MAR passant de 72,3 à 69,9 % et MER passant de 38,7 à 40,9 %), une augmentation de la part de l'énergie fournie par les aliments ultra-transformés (passant de 19,9 à 24,3 %), et une baisse des apports en fruits, tubercules et poisson. Le vieillissement de la population et l’augmentation du niveau d’éducation expliquent marginalement ces changements, et dans le sens contraire de la part expliquée par des facteurs non observés : par exemple, ils expliquent une augmentation de la qualité du régime alimentaire tandis que les facteurs non observés contribuent à une diminution. Conclusion: La transition démographique contribue à expliquer la dégradation de l’état de santé mais explique peu les changements de consommation observés sur 10 ans, soulignant l’importance d’autres facteurs, tel que des changements d’environnement alimentaire, dans la transition nutritionnelle antillaise.