Des chercheurs INRAE traquent les mutations de résistance aux herbicides à l’aide du séquençage à très haut débit. Newsletter SPE (Département INRAE Santé des Plantes et Environnement) n°19, 31 aout 2021
Résumé
Les inhibiteurs de l’ALS en échec face à l’ambroisie à feuilles d’armoise
En France, la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’acétolactate-synthase (ALS) émerge chez l’ambroisie. Très utilisés car applicables sur la majorité des grandes cultures, ces produits phytosanitaires généralistes inhibent l’ALS, une enzyme clé des végétaux dans la synthèse d’acides aminés essentiels. Ils constituent la deuxième famille de désherbants la plus employée, et en paient le tribut : la résistance à cette classe d’herbicides a été identifiée dans plus de 160 espèces d’adventices, ou « mauvaises herbes ». Récemment rajoutée à cette liste, l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) est une plante envahissante et allergène originaire d’Amérique du Nord introduite en Europe au XIXème siècle.
Solidement implantée en France métropolitaine, elle s’est lentement étendue depuis son foyer dans la vallée du Rhône dans les années 1880, jusqu’à atteindre aujourd’hui la quasi-totalité des départements de l’hexagone. Plante pionnière tout-terrain, l’ambroisie peut aussi bien coloniser les cultures que les chantiers, les abords des routes ou les friches. Menaçante pour l’équilibre des écosystèmes locaux et les agriculteurs, elle l’est aussi pour nombre de personnes allergiques, puisque le pollen qu’elle relâche massivement entre août et octobre peut provoquer des réactions particulièrement violentes chez les individus sensibles.
Trouver l’aiguille dans la botte de foin.
Pour limiter la propagation de la résistance aux inhibiteurs de l’ALS, des chercheurs INRAE ont développé, avec l’ambroisie comme modèle, une procédure permettant la détection massive des mutations causant une résistance et la quantification de leurs fréquences. Pour ce faire, les chercheurs ont génotypé par séquençage à très haut débit des portions codantes du gène de l’ALS de 10950 plantes, collectées dans 219 parcelles sélectionnées au hasard sur la base de la présence de fortes infestations d’ambroisie. C’est dans les 40 millions de séquences obtenues que les scientifiques ont cherché des mutations du gène de l’ALS connues pour conférer une résistance aux herbicides, grâce à un programme informatique de leur conception capable de reconnaître ces infimes altérations génétiques dans un océan de données.
Résultat : cinq mutations différentes ont été détectées dans 15 parcelles groupées en quatre foyers de résistance, dont le plus important dans le Tarn-et-Garonne, le département où a eu lieu le premier signalement de résistance de l’ambroisie aux inhibiteurs de l’ALS. Ce travail valide le concept de diagnostic massif des résistances aux produits phytosanitaires par séquençage à très haut débit, et permet d’établir une première cartographie des foyers de résistance de l’ambroisie, pouvant mener à l’avenir à des campagnes d’arrachage ciblé. L’équipe travaille désormais à étendre et systématiser ce type d’analyses à d’autres adventices.