Diversification d’un système de polyculture-élevage bovin laitier autonome : les complémentarités cultures-élevages pour l’alimentation humaine
Résumé
Le contexte actuel d’augmentation du coût de l’énergie et les incertitudes croissantes sur la disponibilité de denrées alimentaires remet au-devant de la scène politique les questions (i) d’accès et de coût des ressources mobilisables par les systèmes agricoles (fertilisants, carburants…) mais aussi (ii) des priorisations de leurs usages pour produire notre alimentation. Dans le cadre de la transition agro-écologique, les systèmes mixtes cultures-élevages font partie des pistes à explorer. Mais ces systèmes, par les processus écologiques qu’ils mobilisent (autonomie, diversité), peuvent présenter des propriétés intéressantes vis-à-vis des ressources qu’ils mobilisent et du bouclage des cycles par l’intégration cultures-élevages. Toutefois, ces systèmes, en particulier les systèmes autonomes, sont particulièrement dépendants des conditions de milieu pour leur processus de production, au premier rang desquelles la disponibilité en eau (sécheresses estivales).
Dans cette communication, nous nous appuierons sur deux expérimentations système « ferme entière » conduite en agriculture biologique depuis une quinzaine d’années sur l’installation expérimentale INRAE de Mirecourt (240ha). Une première expérimentation système (2006-2015 – ici étudié entre 2011 et 2015) visait la conduite de deux systèmes de production autonomes et économes orientés « bovin lait ». Une seconde expérimentation a renouvelé la précédente en 2016 (dit TEMPO, étudiée entre 2018 et 2020) avec deux inflexions majeures : un usage direct des terres pour l’alimentation humaine (absence de compétition feed/food) et une diversification forte tant des productions végétales (une vingtaines d’espèces exclusivement destinées à l’alimentation humaine) que des productions animales (bovins lait, ovins allaitant, porcs). A partir d’une approche métabolique (de type input-output) basée sur les flux de nutriments (azote), nous évaluons les performances de ces systèmes à partir de l’analyse de réseaux écologiques, complétée par leurs efficiences pour produire des biens alimentaires (protéines animales et végétales).
Du point de vue de l’usage des ressources, nous montrons que l’intégration cultures-élevages des deux systèmes permet une autonomie azotée supérieure à 75%, les intrants étant exclusivement issus de processus naturels (70% via la fixation symbiotique, 30% via les dépôts atmosphériques). Du point de vue de l’efficience de valorisation des ressources pour produire des denrées alimentaires, nous montrons également que l’efficience « système » est supérieure à l’efficience des composantes prises isolément.
Par ailleurs, si nous n’observons pas d’évolution marquée de l’organisation des réseaux de flux entre les deux systèmes malgré la diversification animale (TEMPO), nous observons une diminution de l’intensité du réseau de flux avec une baisse de 27% du métabolisme de TEMPO par rapport à SH-SPCE. Cette baisse d’intensité est pour partie à la diminution des effectifs animaux (lui-même conséquence de l’absence de cultures annuelles fourragères dans TEMPO) et pour partie lié à une baisse de la production primaire herbagère dans TEMPO du fait des sécheresses estivales sur la période étudiée. Nous observons par conséquent que la productivité alimentaire de TEMPO (15.4kgN/ha) est plus faible que SH-SPCE (18.3kgN/ha) ; la part de protéines animales diminuant de 74% (SH-SPCE) à 57% (TEMPO) du fait du choix de la diversification végétale alimentaire, de la réduction des effectifs animaux et de la conduite en monotraite des vaches laitières de TEMPO.
Toutefois, du point de vue de l’efficience alimentaire, nous montrons que le système diversifié TEMPO est plus efficient dans la valorisation des ressources que SH-SPCE, principalement du fait de la diversification et des choix du système TEMPO (cultures annuelles alimentaires, herbivorie stricte des ruminants, porcs détritivores). Cette différence s’exprime que ce soit (i) vis-à-vis de l’efficience de conversion des intrants (issus de la fixation symbiotique et des dépôts atmosphériques) en protéines alimentaires (respectivement 32.7% et 29.6%) ou (ii) vis-à-vis des ressources mobilisées compte tenu de la singularité des conditions de milieu et en particulier des sécheresses estivales dans TEMPO (respectivement 19.8% et 17.4%).
Enfin, cette étude confirme l'intérêt des systèmes agricoles intégrés et diversifiés, et montre la nécessité d’intégrer la dimension alimentaire (food) dans l’analyse des performances. Elle monte que ces systèmes autonomes sont fortement dépendants des conditions de milieu et que la capacité de réserve (fourrages) est un levier majeur dans leur régulation pluriannuelle compte tenu de l’hétérogénéité des cycles biologiques de leurs composantes dont les inerties respectives ne permettent pas de valoriser la variabilité des conditions de milieu ; d’autant que celle-ci s’exprime à différents pas de temps (saisons, interannuel) et est amenée à croitre dans les prochaines décennies.
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