Estimation des coefficients de transfert de solutés en osmose inverse : vers un dimensionnement des procédés multi-étagés pour le recyclage d’effluents dans les agro-indutries
Résumé
Introduction. Dans un contexte de tension croissante sur la ressource en eau en France, les Industries Agro-Alimentaires (IAA) cherchent de plus en plus à minimiser leurs consommations d’eau potable. Le recyclage de leurs effluents après un traitement adapté représente une solution prometteuse. Les procédés membranaires sont reconnus comme flexibles et performants dans ce contexte (Warsinger et al., 2018 ; Garnier et al., 2023) et l’Osmose Inverse (OI) en particulier permet d’obtenir une eau de qualité potentiellement suffisante pour être recyclée en tant qu’eau de procédé au contact des aliments. Cette perspective est d’autant plus réaliste que la réglementation sur la Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT) et des Eaux Non Conventionnelles (ENC) évolue actuellement vers un assouplissement (Décret n° 2024-33 du 24 janvier 2024). Cependant l’OI, bien que performante, est consommatrice d’énergie et demande d’importantes surfaces membranaires. Il a par ailleurs été montré que certaines molécules, non ionisées et de masse molaire inférieure à 120 g/mol, n’étaient pas complètement retenues (Fargues et al., 2013). Des travaux menés dans le cadre du projet MINIMEAU financé par l’ANR (https://minimeau.fr/) ont permis de valider un modèle de Solubilisation-Diffusion (SD) avec prise en compte du phénomène de Polarisation de Concentration (PC) dans la couche limite côté rétentat, pour représenter le transfert à travers la membrane de plusieurs solutés contenus dans des effluents de conserverie de légumes. Par des tests à l’échelle pilote, la perméabilité d’une membrane à certains solutés a pu être estimée, ainsi que leur coefficient de transfert dans la couche limite (Garnier et al., 2022). Ces données sont précieuses pour prévoir les performances de rétention en OI lors d’un changement d’échelle. Elles nécessitent néanmoins d’être complétées pour tenir compte des effets de concentration côté rétentat à l’échelle industrielle, ainsi que de l’hydrodynamique qui joue sur le phénomène de PC, donc sur les performances de rétention des solutés.
Objectifs. Cette étude s’insère dans le projet DIMEMPRO (financé par le Carnot Qualiment®) qui se propose de revisiter les règles de dimensionnement des procédés membranaires à l’échelle industrielle, en considérant des architectures complexes pour lesquelles, en osmose inverse, la production du perméat est distribuée sur différents étages en cascades. Il ambitionne de considérer non seulement les performances de traitement souhaitées, mais aussi les aspects économiques et environnementaux. Dans l’objectif du développement d’un outil de dimensionnement multi-critères, l’implémentation d’une base de données des phénomènes de transfert en OI de « polluants » présents dans les effluents des IAA est indispensable. On vise ici leur détermination pour des conditions variées de niveaux de concentration et d’hydrodynamique dans les modules membranaires, par une étude multiparamétrique à l’échelle pilote associée à une modélisation inverse.
Matériels et méthodes. Une campagne d’essais de traitement par OI a été menée sur pilote équipé d’une membrane ESPA4-LD (Hydranautics, Nitto Group Co) en fonctionnement batch (Facteur de Réduction Volumique, FRV = 1). Le cas étudié est celui du traitement d’un effluent de rinçage après pelage de carottes, obtenu auprès d’une usine française de conserverie de légumes. Un prétraitement par tamisage, suivi d’une ultrafiltration (UF) sur une membrane minérale KERASEP BW 15kDa permet d’obtenir un effluent de qualité suffisante pour l’étape d’OI. Pour étudier l’influence de l’hydrodynamique dans le module membranaire, des essais ont été menés à des débits de 250 L/h à 1300 L/h côté rétentat. Pour chacun, une pression transmembranaire (PTM) de 2 à 12 bar a été appliquée, les débits de rétentat et de perméat mesurés, de même que leurs teneurs en DCO, sucres et acides organiques. L’influence du facteur de concentration sur le flux et la concentration du perméat a été étudiée sur pilote via l’augmentation du FRV de 1 à 8 (= par recyclage du rétentat uniquement). Pour chaque niveau de concentration, le rôle de l’hydrodynamique a été exploré.
Résultats et conclusions. La rétention de la DCO de cet effluent est comprise entre 95 et 98 % en fonction des conditions hydrodynamiques et de pression, quand les sucres sont retenus à plus de 99,8%. Certains acides organiques comme l’acide acétique sont mal retenus. En tenant compte des solutés quantifiés dans la DCO totale, une catégorie de molécules non encore identifiées a été définie, dont la contribution notée DCOdiff (pour DCO différentielle) est d’environ 40% de la DCO totale de l’effluent prétraité. Sa rétention par OI (entre 89% et 96%) est plus faible que celle de la DCO et des sucres, et est plus sensible aux variations de PTM et de débit.
Domaines
Sciences de l'ingénieur [physics]Origine | Fichiers produits par l'(les) auteur(s) |
---|