De nombreuses bactéries produisent des molécules signal (auto-inducteurs) qui leur permettent d’activer des fonctions en lien avec leur adaptation à leur environnement biotique et abiotique lorsqu’elles atteignent des concentrations élevées (quorum-sensing). Dans le cadre d’un projet interdisciplinaire financé par INRAE, nous cherchons à déterminer si certaines de ces molécules signal produites dans les denrées alimentaires pourraient moduler le microbiote intestinal. En effet, compte tenu de leurs natures chimiques, certaines de ces auto-inducteurs pourraient résister à la digestion et donc agir sur le microbiote intestinal. De fait, bien que l’implication « naturelle » du quorum-sensing au sein des microbiotes digestifs ne soit pas établie, certaines études récentes témoignent de leur réceptivité à des auto-inducteurs exogènes chez la souris. En outre, l’administration de bactéries dotées d’une capacité à inhiber le quorum-sensing (quorum-quenching) a été montrée capable de moduler la composition du microbiote intestinal dans d’autres modèles animaux. Notre premier objectif a été de réaliser un criblage d’une cinquantaine de souches de bactéries lactiques d’intérêt (ferments, probiotiques, bactéries protectrices) pour leur production d’auto-inducteurs de type 2 (AI-2) en utilisant un système rapporteur d’induction de la luminescence avec des souches reportrices de Vibrio campbelli. Plusieurs souches ont permis d’induire la luminescence chez la souche reportrice, avec une intensité variable, cette production d’AI-2 étant généralement corrélée à la présence du gène luxS dans leur génome. Des souches appartenant aux espèces Lactococcus piscium, Lactococcus lactis et Propionibacterium freudenreichii ont été sélectionnées afin d’optimiser la production de ces auto-inducteurs sur des milieux modèles d’aliment : ultrafiltrat de lait et jus de poisson. La quantification des molécules d’AI-2 détectée par luminescence dans ces conditions a été réalisée par dosage en spectrométrie de masse. Ces modèles d’aliments enrichis en AI-2 d’origine microbienne seront utilisés dans la suite du projet pour évaluer le devenir digestif des auto-inducteurs au cours de tests de digestibilité in vitro et leurs impacts sur le microbiote intestinal, en particulier lors de sa constitution néonatale.