Impact d'une alimentation lactée enrichie en prébiotique sur le microbiote intestinal et sur le comportement social des agneaux élevés sans leur mère
Résumé
Chez les mammifères, la séparation maternelle à la naissance induit un stress chronique avec pour conséquences des altérations comportementales et neurobiologiques. Ainsi, en élevage ovin, les agneaux surnuméraires sont séparés de leur mère à la naissance et nourris avec des laits artificiels, induisant de telles altérations. Des études montrent l’importance du microbiote intestinal sur le développement comportemental. Notre hypothèse est qu’une alimentation enrichie en prébiotique dès la naissance contribuerait, via une action sur le microbiote, à prévenir certains des désordres associés au stress de séparation maternelle, en particulier comportementaux.
Des agnelles ont reçu le colostrum de leur mère les 2 jours suivant la naissance avant d’être séparées et nourries avec un lait commercial dépourvu (Preb-) ou enrichi avec un prébiotique (Preb+, 1% galactofructose) jusqu’au sevrage à 7 semaines. Après le sevrage, les agnelles ont toutes reçu une nourriture standard d’élevage. La maturation du microbiote fécal des agnelles a été suivie par séquençage de la région V3-V4 du gène codant l’ARNs 16S à l’âge de 3, 7 et 10 semaines. Parallèlement, leur comportement social a été comparé par une approche éthologique. La position des individus et leurs activités au sein du groupe ont été quantifiées toutes les 10 minutes pendant 3 heures par jour ainsi que les interactions affiliatives et agonistiques, et les vocalisations.
Sur la période durant laquelle le galactofructose est apporté par le lait, une restructuration de la composition du microbiote révélant les propriétés bifidogènes du prébiotique est observée : la sur-implantation précoce de 3 espèces de Bifidobactéries au détriment de nombreuses communautés appartenant aux Clostridiales se traduit par une moindre richesse d’espèces dans le groupe Preb+. Elles présentent parallèlement sur le plan comportemental des indices d’association significativement plus importants et des interactions affiliatives plus fréquentes. Elles ont également tendance à manifester moins d’interactions agonistiques et à moins vocaliser. Enfin, les agnelles Preb+ consacrent davantage de temps à consommer du lait sans que ce comportement n’affecte leur croissance.
Après le sevrage, une empreinte spécifique du microbiote des agnelles Preb+ est conservée et se caractérise par un meilleur équilibre de l’abondance des espèces présentes, avec notamment, une abondance augmentée des Clostridiales et une meilleure colonisation par Akkermansia muciniphila. Si les différences de comportement social s’estompent après le sevrage, en revanche les agnelles Preb+ présentent un réseau social plus structuré.
Enfin, l’intégration de ces données à celles du microbiote par des analyses multidimensionnelles révèle des covariations significatives, mettant ainsi en exergue de potentielles relations entre les modulations du microbiote intestinal et le comportement social lors du développement.
En conclusion, l’apport précoce de galactofructose dans le lait diminue durablement les troubles du comportement social des agnelles soumises à un allaitement artificiel et l’absence maternelle. Cette étude suggère que ce prébiotique, via ses répercussions sur la maturation du microbiote intestinal, pourrait compenser certains des effets délétères associés aux stress précoces.
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